La Clinique et la Psychothérapie institutionnelle
La Clinique de la Borde (SE Clinique de Cour-Cheverny) a été fondée en 1953 par le docteur Jean OURY, neuropsychiatre de renommée internationale. Elle accueille 107 patients en hospitalisation complète, sous le régime de l'hospitalisation libre, et 30 patients en hospitalisation de jour. Elle est conventionnée. Située dans le Loir et Cher, à 15 km de la ville de Blois, elle occupe depuis sa création un château du XIXème siècle avec ses dépendances, dans un parc arboré de 23 hectares, des nouveaux pavillons s'y étant ajoutés à des époques différentes (le dernier en 2011) en raison du développement de l'activité.
La création de la Clinique de la Borde trouve sa place dans un mouvement de réforme de la psychiatrie s'étant développé en France dans l'après-guerre, à partir d'une critique radicale des conditions asilaires, et d'une lutte contre la ségrégation. Parmi les protagonistes, citons les docteurs : Paul Balvet, Georges Daumezon, Lucien Bonnafé, François Tosquelle (ce dernier s'étant réfugié en France après la victoire du Franquisme), et Jean Oury. Ce mouvement d'humanisation de la psychiatrie et de transformation profonde de l'Hôpital, qui occupe la seconde moitié du XXème siècle, distingue la situation française du cas italien (suite à la fameuse "Loi 180" de 1977, inspirée par le psychiatre Franco Basaglia, prônant la fermeture des hôpitaux psychiatriques). Ses orientations théoriques et sa pratique s'opposent en même temps à celles de l'anti-psychiatrie du modèle anglo-saxon. La psychanalyse joue un rôle décisif dans l 'élaboration d'une clinique des psychoses, ainsi que dans l'approche du sujet, de son vécu et de son histoire.
Né à Paris le 5 mars 1924, Jean Oury débute sa carrière comme interne à l'hôpital de Saint Alban en Lozère, en 1947. Parmi les personnalités ayant joué un rôle majeur dans son itinéraire scientifique et intellectuel, figurent François Tosquelles, avec lequel il collabore à l'hôpital de Saint Alban, le psychiatre et psychanalyste Jacques Lacan, fondateur de l'Ecole Freudienne de Paris, et le neurologue Julian Arjuriaguerra. Quand il arrive de Saint Alban à la Clinique de Saumery, près de Blois, en 1949 (en tant que collaborateur du docteur Michel Renard et ensuite à partir de 1951, en tant que directeur), la situation de la psychiatrie dans le département du Loir et Cher est désastreuse : l'hôpital psychiatrique de Blois ayant été fermé durant la guerre, et "les 1100 malades dispersés" (Jean Oury). Le travail de reconstruction de la psychiatrie se fera d'abord à partir du secteur privé, notamment par la création de la Clinique de la Borde, en 1953. Jean Oury joue également un rôle essentiel au Dispensaire de santé mentale à Blois et dans les 4 Instituts Médico-Pédagogiques du département : Rilly sur Loire, Herbault, la Ferté Imbault et Saint Laurent des Eaux, dans le but d'étoffer le tissu de prise en charge psychiatrique sur l'ensemble du territoire. La Clinique de la Borde accueille au début une trentaine de patients, pour parvenir par agrandissements successifs à la taille actuelle (en particulier, l'année 1991 est marquée par le passage de 95 à 107 lits d'hospitalisation complète et surtout, par l'ouverture de 15 places d'hôpital de jour, une pratique innovante pour le secteur privé). A partir de l'expérience de la Clinique de la Borde et de ses principes fondateurs, d'autres Cliniques psychiatriques de Psychothérapie Institutionnelle sont crées dans le département par des confrères et/ou collaborateurs de Jean Oury, la Clinique de la Chesnaie à Chailles par le docteur Claude Jeangirard en 1956 et la Clinique de Freschines par le docteur René Bidault en 1973, la direction de la Clinique de Saumery (Huisseau sur Cosson) étant confiée au docteur Yves Laval en 1981. Entre temps ouvrent un nouvel hôpital psychiatrique à Blois (1964) et les services psychiatriques des hôpitaux de Romorantin (1969) et de Vendôme (1978).
Le terme de "Psychothérapie Institutionnelle" apparait pour la première fois dans un article de Georges Daumezon et Philippe Koechlin ("La psychothérapie institutionnelle française comptemporaine") en 1952. Cette pratique se fonde sur une analyse institutionnelle permanente, dans le but de repérer et de surmonter les blocages qui dans l'organisation de la structure et de soins pourraient faire obstacle à la prise en charge des pathologies psychotiques lourdes. Parmi les principes fondateurs de la pratique, il y a la lutte contre la violence asilaire et la ségrégation, le respect de la personne, la liberté de circulation mise en acte depuis la création de la Clinique de la Borde en 1953 : les patients peuvent circuler librement dans l'ensemble des locaux, et des sorties sont organisées vers l'extérieur, avec un service régulier de navettes. Dans ce domaine comme dans d'autres, la Clinique de la Borde a donc anticipé des évolutions ultérieures, au niveau national, et contribué à l'humanisation de la psychiatrie en combattant "les préjugés à l'encontre de la maladie mentale", ce dernier point constituant l'un des objectifs majeurs du Plan psychiatrie et santé mentale 2011-2015. Cette liberté de circulation prend par ailleurs tout son sens dans un dispositif institutionnel de prise en charge des patients, où ces derniers sont responsabilisés dans l'ensemble de l'organisation de la vie collective, notamment dans la gestion des ateliers, confiée à un Club thérapeutique et élaborée dans des réunions dites paritaires avec l'équipe soignante (le personnel fournissant un soutien aux activités du Club). Le Club s'articule dans la pratique institutionnelle, à un "Comité Hospitalier" (Association Loi 1901, liée à la Fédération Croix Marine), auquel participent, outre les délégués du Club, l'équipe médicale et la direction de l'établissement, aux fins d'évaluer la pertinence thérapeutique des activités, ou de discuter d'aménagements possibles des ateliers et de leur dotation par l'intermédiaire de la Clinique. Le but de ce dispositif, qui s'étend aux réunions dites "d'ambiance" où soignants et patients peuvent échanger ensemble dans les secteurs de soins, est de s'adresser au malade en tant que sujet, en lui permettant de s'inscrire dans un itinéraire thérapeutique, et en recherchant son consentement, sa participation active à la mise en place d'un projet personnalisé de soins et à son évolution.
La continuité des soins est assurée dans l'ensemble du processus thérapeutique, à l'intérieur de l'établissement comme à l'extérieur, par le biais de l'articulation possible entre la simple consultation en ambulatoire dispensée par les psychiatres sur place, l'hospitalisation complète, l'hospitalisation de jour et les appartements thérapeutiques gérés par l'Association de Croix Marine, dans le but d'accompagner les patients après leur sortie d'hospitalisation.